
L'événement majeur constitué par la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 a contribué à structurer la chronologie des grandes périodes historiques, selon le schéma suivant :
- Antiquité : permanence des valeurs gréco-romaines, l'Empire romain ayant assimilé la culture grecque ;
- Moyen Âge : oubli (supposé) des acquis de l'Antiquité jusqu'à la chute de Constantinople en 1453 ;
- Renaissance et début des temps modernes : « redécouverte » des ouvrages scientifiques et philosophiques de l'Antiquité, ainsi que d'autres éléments (esthétiques…).
Ce découpage très schématique découle principalement des travaux de Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), et de l'historien britannique Edward Gibbon, notamment sa fameuse étude Decline and Fall of the Roman Empire (Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, 1776), et des historiens du xixe siècle en ce qui concerne la chute de Constantinople, marquant la fin du « Moyen Âge ». Il conduit à présenter le Moyen Âge comme une période intermédiaire, une sorte d'« Âge sombre » de la civilisation.
Toutefois, ce schéma pose quelques difficultés :
- La permanence des grands traits de l'Antiquité tardive — civilisation du Bas Empire romain et poursuite de l'Empire romain en Orient (Byzance) — au-delà de l’événement politique constitué par la déposition du dernier empereur romain Romulus Augustule : pour cette raison, l'historien médiéviste Jacques Le Goff a par exemple proposé d'étendre l'Antiquité tardive jusqu'au xe siècle ;
- La redécouverte et la traduction de nombreux ouvrages scientifiques et philosophiques, non seulement grecs, mais également arabo-musulmans, au cours du xiie siècle, bien avant que la chute de Constantinople ne conduise les lettrés chrétiens de cette ville à fuir la ville en emportant des manuscrits d'ouvrages de l'Antiquité grecque ; ce fait historique a été mis en évidence dès 1927 par l'historien américain Charles Homer Haskins dans un ouvrage qui provoqua une vive polémique, The Renaissance of the Twelfth Century. Il est néanmoins admis aujourd'hui par la communauté des médiévistes qu'une renaissance a bien eu lieu au xiie siècle2. Les médiévistes sont allés plus loin et ont découvert que les ouvrages des auteurs latins avaient souvent été conservés durant la renaissance carolingienne3, et que les bibliothèques ont été réorganisées pendant la « renaissance ottonienne ». Ces mises au point conduisent à parler de « renaissances médiévales », qui auraient eu lieu avant la chute de Constantinople.
Depuis l'entre-deux guerres au moins, les historiens ont commencé à remettre en cause l'importance sur le plan historiographique du déclin de l'Empire romain d'Occident ; ils mettent en évidence une période d'Antiquité tardive qui s'étend au-delà de l'année 476, et établit une continuité de la culture antique entre les ve et vie sièclesN 1. Dans cette optique, le Moyen Âge commencerait plus tard.